http://www.youtube.com/watch?v=32EcGouTfMA (lien vers le texte chanté)
Monsieur le Président
Asmi i d-luleɣ d ass amcun Jour maudit que le jour où je suis né,
Deg ufus i d-kemseɣ lehmum Dans la main serrant mon nœud de tourments
Akken ur d iyi-tixiṛen ara Afin qu'ils ne lâcheront pas leur étreinte.
Lukan ul-iw d ageṭṭum Mon cœur, que n'est-il jeune pousse!
A t-greɣ daxel lkanun Je le jetterais au brasier
Akken ur s-ttḥesiseɣ ara Afin de ne plus souffrir ses plaintes,
Imi s ssura-w i gɣum Mais c'est sous mon corps qu'il s'ensevelit:
Labud a s-d-jabeɣ nnum Force m'est de la rassasier de rêves,
Imi ur iyi-sgan ara Puisqu'il ne m'offre, lui, qu'insomnie.
Tkelxem-iyi di temẓiw Vous m'avez controuvé ma vie, dérobé ma jeunesse,
Xelseɣ-awen ayen ur d-uɣeɣ J'ai payé ce que je n'ai pas acheté.
Tekksem-iyi imawlan-iw Vous m'avez arraché aux miens,
Temḥam ayen akk ssarmeɣ Anéanti toutes mes esprérances.
Lmaḥna tenjer iɣes-iw Le malheur a irrigué mes os;
Uqbel a d-ters lmut-iw Avant que la mort sur moi se pose,
Ayen yak yejmeɛ wul-iw L'amertume que mon coeur amassa,
S yiles-iw a tt-in-ḍummeɣ Avec ma langue, sur vous je la balaierai.
Lemmer zmireɣ ad snesreɣ Si, bonheur, je pouvais fuir
Di lɛid a n-beddeɣ ɣur-wen Et à l'Aïd aller à vous...!
A n-aseɣ a ken-ɣafṛeɣ Je viendrais vous visiter,
Ay imawlan ɛzizen Parents que j'aime tant.
Di tafat m'ara n-beddeɣ Dans la clarté vous apparaissant,
Ɣas temcaktem ur wehhmeɣ Votre trouble ne me surprendra pas.
Mačči d udem i ssi ṛuḥeɣ Ce n'est pas le visage de mon départ,
A d-mlilent wallen nnwen Que vos yeux reconnaîtront.
Seg wakken ur di-d-yetteɛqal Lui non plus ne me reconnaissant pas,
Mmi ad yerwel felli Mon fils effrayé me fuira.
Tameṭṭut-iw n leḥlal Quant à ma digne épouse,
Wissen kan ma d-temmekti Se souviendra-t-elle de moi?
Ad asen-sxerbeɣ lecɣal Je troublerai leurs tâches quotidiennes,
Ad asen-yeɛreq wawal Ils en perdront la parole.
Tagara m aa nemyeɛqal Puis nous étant tous retrouvés,
Taddart a d-teɛjel ɣuri Le village vers moi accourra.
Ayagi yakk d asirem Tout ceci est illusion de l'espoir,
Targit-iw u tḍul ara Ma rêverie est bien courte.
Ibeddel-iyi zzman isem L'adversité a changé mon nom.
Yefka-yi lḥerz n tlufa Contre l'amulette des malheurs;
Tabburt n lḥebs felli tzem La porte de la geôle sur moi se referme,
Fellas tawriqt-iw tweccem Sur laquelle mon sort s'inscrit:
Tura testenya tṣeggem Ecrite, signée, classée
Ṭṭul n leɛmer i temmeṛka Marquée pour l'éternité.
Monsieur le Président
C'est avec un cœur lourd que je m'adresse à vous. Ces quelques phrases d'un condamné étancheront peut-être la soif de certains individus opprimés. Je m'adresse à vous avec une langue empruntée, pour vous dire, simplement, que l'Etat n'a jamais été la patrie. D'après Bakounine, c'est l'abstraction métaphysique, mystique, juridique, politique de la patrie. Les masses populaires de tous les pays aiment profondément leur patrie, mais c'est un amour réel, naturel, pas une idée: un fait. Et c'est pour cela que je me sens franchement le patriote de toutes les patries opprimées.
Matoub Lounes
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